Vacances

Vacances, terme magique qui dès qu'il s'échappe des lèvres de quelqu'un entraîne un vent de folie incomparable que même un épisode inédit de Naruto, une extension de WoW (comme piqûre de rappel corruptif pour vos pauvres cerveaux de brebis dont on tire vulgairement le lait caillé dont votre porte-feuille abonde) ou l'annonce de je ne sais quel blockbuster navrant destiné à engraisser le compte en banque suisse de ceux qui vous le servent et vous forcent à l'ingurgiter.
Les vacances, c'est l'évasion, la liberté de n'être astreint à aucun horaire, aucun devoir, aucune réunion lors de laquelle votre patron nasillant s'exclaffera devant le balconnet généreux de la petite stagiaire du secrétariat, qui n'hésite pas à faire des heures supplémentaires pour le bien-être de celui-ci, qu'il faut travailler plus, sans cesse et sans relâche dans cette quête constante du sacro-saint Bénéfice qui nous pousse à l'épuisement.
Les vacances, c'est relâcher la pression incessante qui pèse sur nos frêles épaules d'hommes de la société moderne, c'est se retrouver, nous qui ne faisons que s'entrecroiser au détour de couloirs obscurs aux murs crépis de gris, et au papier peint défaillant ; pour pouvoir, l'espace de quelques jours, se réunir, faire abstraction de tout ce qui nous entoure : les profs exigents, les patrons pénibles, les bouillies de pixels criards qui constituent la silhouette grossière des avatars de vos amis de l'ère numérique, de se voir autrement qu'à travers un écran plasma 16/9 de 19'', de se parler autrement qu'à travers le combiné grésillant de vos téléphones interférés dont vous dépassez allégrement le seuil que fixe le forfait gracieusement offert moyennant finances (et belles finances) par vos opérateurs cravatés dans leur smoking étriqué d'où s'exhale encore l'odeur de naphtaline du pressing du bout de la rue, bref, de vivre autrement que par ces technologies de l'avenir technocrate multinationaliste. Voir des êtres faits de chair et d'os, sans bras ionique ni implants crâniens, et fêter dignement l'insouciance de nos (presque) 20 ans, sans penser à la rentrée qui approche inéluctablement, aux prises de tête avec les boulets du lycée, à nos projets d'un trop proche avenir, étouffants, asphyxiants, effrayants de sacrifices.
Les vacances, c'est tout simplement se reclure dans un microcosme naïvement festif où nous déambulons le coeur léger, nous enivrant ça et là des sonorités teintées de Larsen barbares de quelques jeunes aux cheveux gras hurlant leur haine d'ado révoltés d'une société dont ils ne connaissent rien si ce n'est l'appartement douillet de papa et maman dans le 17ème arrondissement et dont la seule colère réside dans le simple fait que le porte-feuille familial n'a pas daigné cracher le pécule nécessaire pour s'offir une PS3 ; des lueurs aveuglantes de stromboscopes saturés et du goût âcre d'une bière qui a mariné toute l'année sous le lit, calée entre deux magasines porno de peur que papa et maman ne découvrent le subterfuge et décident de ne pas offrir le MP3 si ardemment désiré depuis que le précédent ait visité l'estomac encombré du chat tapi sur le palier voisin...
Bref, les vacances, c'est une part de rêve éveillé dans ce monde où on ne dort que trop peu...